Optimiser la collaboration grâce à l’espace de travail
La convergence de tendances spatiales, sociales et informationnelles crée un besoin en espaces de travail capables de prendre en charge des modes de collaboration inédits.
La collaboration représente l’un des sujets les plus souvent discutés et pourtant les plus méconnus de notre époque. La quasi-totalité des grandes entreprises actuelles sont conscientes de la valeur intrinsèque des équipes performantes qui effectuent un travail collaboratif. Cependant, les concepts et les opinions divergent sur le sens réel de cette activité et pour beaucoup, sa signification reste confuse. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises encouragent certes activement le travail collaboratif, mais en essayant d’intégrer de force, des processus qui évoluent, dans les espaces de travail existants. À l’instar du soulier de Cendrillon au pied d’une autre, il s’agit d’un compromis difficilement tenable. Cependant, nombreuses sont les entreprises qui ne savent quelles pratiques elles doivent modifier. Alors, elles créent davantage de salles de conférence, ajoutent une machine à café ou installent des sièges dans les couloirs et considèrent qu’elles ont accompli leur mission.
Dans le cadre de ses recherches sur le travail, les salariés et l’espace de travail, Steelcase réalise depuis plus de 20 ans des études approfondies sur la collaboration. Nous utilisons pour cela nos propres environnements de travail et ceux de nos clients, afin de confronter nos théories à la réalité. Aujourd’hui, une nouvelle approche en matière de collaboration est en train de naître, du fait de la convergence de deux forces : les répercussions sociales d’une population active multigénérationnelle et les conséquences des nouvelles technologies sur les échanges d’informations. Pour tester nos concepts et fournir une vue d’ensemble des méthodes favorisant la collaboration, nous avons créé, en 2009, un espace « pilote » comportemental, à destination de nos équipes marketing et communication, avant de mener une étude exhaustive d’un an sur le sujet.
Ce processus de recherche incluait une vidéo-ethnographie, des entretiens, des carnets de recherche des employés, la compilation des données, ainsi que des outils d’évaluation avant et après utilisation. L’une des principales découvertes de cette étude a permis de confirmer l’apparition d’un changement fondamental : aujourd’hui, la majeure partie du travail est effectuée en collaborant, et non individuellement. De plus, il ne s’agit pas d’une activité segmentée réalisée dans un lieu prévu à cet effet, tel qu’une salle de conférence, mais d’une pratique désormais quasi constante, qui s’étend tout au long de la journée de travail. Elle peut se produire au bureau, dans les couloirs, dans les espaces destinés aux équipes, via les smartphones ou sur Internet et elle est souvent spontanée et informelle, c’est-à-dire qu’elle n’est pas organisée à l’avance. Lorsqu’un espace de travail est conçu pour prendre intégralement en charge les nouvelles réalités de la collaboration, il peut en résulter un meilleur apprentissage, davantage d’innovations et des prises de décisions accélérées.
Ce document fournit un aperçu de la collaboration, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui dans les espaces de travail. Plus précisément, il s’agira d’explorer la transition opérée au sein des entreprises, qui sont passées d’une activité principalement axée sur le travail individuel à un travail collaboratif. Nous discuterons des nouvelles compréhensions en matière de collaboration, ce qui la définit réellement et ce qu’elle n’est pas. Enfin, à la lumière des dernières découvertes issues de cet espace « pilote » et des recherches qui y ont été effectuées, nous proposerons de nouvelles stratégies de création d’espaces, capables d’intégrer le travail collaboratif d’aujourd’hui.
La transition du travail individuel au travail collaboratif
Le partage des connaissances est aujourd’hui essentiel à la réussite d’une entreprise et les recherches montrent qu’il s’effectue généralement selon quatre modes. Décrits pour la première fois en 1995 dans l’ouvrage fondateur The Knowledge-Creating Company (L’entreprise créatrice de savoirs) d’Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi (1), ces quatre modes sont indispensables dans le processus de création de savoirs, qui à son tour, génère créativité et innovation :
Concentration – chaque travailleur doit disposer d’un laps de temps suffisant pour se concentrer, sans être interrompu, afin de réaliser certaines actions spécifiques, comme réfléchir, étudier, bâtir une stratégie et tout autre activité nécessitant de se retrouver seul avec soi-même.
Collaboration – il s’agit, stricto sensu, d’un travail réalisé à plusieurs, pour atteindre un objectif, comme la création collective d’un contenu, le brainstorming, etc. L’idéal étant que tous les points de vue soient respectés, mis en commun, pour tirer profit des idées de tous les membres du groupe.
Apprentissage – il s’agit d’une accumulation de savoirs. Que ce soit dans une salle de formation ou lors d’une conversation avec un collègue, l’apprentissage le plus fructueux naît d’un savoir existant. Lorsque la réflexion est partagée, l’apprentissage est accéléré et devient partie intégrante de la culture de l’entreprise.
Échanges – pour intégrer un savoir et l’utiliser, il faut le communiquer. Lorsque les gens communiquent et travaillent avec les autres de manière formelle et informelle, ils mettent en place un apprentissage et établissent un lien de confiance. L’association de la confiance avec le capital intellectuel de l’entreprise produit les ingrédients nécessaires à l’innovation.
À travers ces quatre modes de travail, les employés créent et utilisent deux types de savoirs : l’un, explicite et l’autre, tacite. Le savoir explicite se caractérise par les informations formelles et systématiques qui sont généralement présentes dans les documents, les procédures et les manuels.
À l’inverse, le savoir tacite est très personnel, difficile à formaliser et s’acquiert par l’expérience. Il se communique de manière indirecte, via les métaphores, les analogies, le mentorat et l’exemple.
Alors qu’auparavant, le travail de la quasi-totalité des employés était individuel (2), aujourd’hui, c’est le contraire : 82 % des employés de bureau estiment qu’ils ont besoin de collaborer avec d’autres, tout au long de la journée, pour effectuer leur travail. Le partage des connaissances est devenu une activité sociale, un échange au sein duquel les travailleurs s’enrichissent mutuellement de leurs idées et créent ensemble un nouveau savoir. Il n’est donc pas étonnant qu’ils aspirent à travailler dans des espaces qui puissent prendre en charge l’aspect éminemment social du travail d’aujourd’hui. Une collaboration renforcée produit inévitablement un besoin en un espace de travail différent.
Difficulté et désordre
Un proverbe africain dit « Si tu veux aller vite, pars seul. Si tu veux aller loin, pars accompagné. » La collaboration est certes plus importante que jamais, mais elle est également complexe. Dans leurs efforts pour évoluer, les entreprises et les employés peuvent se méprendre et assimiler un échange de base (coordination de tâches individuelles ou communication) à une collaboration réelle. De plus, ils ne parviennent généralement pas à concevoir que chaque niveau d’interaction nécessite un type d’espace propre. Comme le chercheur et auteur Michael Schrage l’a observé, la plupart des entreprises ne disposent pas des structures qui permettent aux individus de mettre leurs talents et travail en commun.
C’est pourquoi, la collaboration dans le but d’atteindre un objectif de groupe reste difficile à réaliser (3). Sans la mise en place de systèmes de soutien efficaces, la notion de « travail en équipe », vidée de sa substance, donne l’illusion d’une collaboration réelle (4). Selon une étude réalisée par Steelcase en 2009, la génération Y oriente le mouvement vers davantage de collaboration informelle (5). Les représentants de cette génération préfèrent les échanges informels aux réunions planifiées, c’est pourquoi ils se déplacent sur leur lieu de travail pour tirer profit des réseaux sociaux et participer à la collaboration à la demande. Bien qu’avec la présence de la génération Y au sein de l’espace de travail, il faille prendre en charge des styles de travail collaboratifs à vitesse grand V, cette tendance n’a pas été initiée par elle et ne se limite pas à elle. Au cours des dernières années, de nombreuses études, telles que les recherches de pointe menées à l’Institut de Santa Fe et publiées dans l’ouvrage de référence de Scott Page, The Difference (La différence), ont confirmé l’idée selon laquelle l’union des intellects fait la force.
Ces recherches ont également montré qu’à chaque fois, les performances du groupe dépassent considérablement celles d’un expert travaillant seul (6). Cependant, la collaboration n’est pas un processus automatique, facile à concrétiser. Elle est souvent désordonnée et peut être totalement inefficace, lorsque les personnes doivent créer elles-mêmes le cadre social, spatial et informationnel dont elles ont besoin pour travailler ensemble, de manière efficace. Par exemple, les recherches de Steelcase ont montré que 70 % des employés actuels affirment perdre jusqu’à 15 minutes dans la simple recherche d’un espace pour se réunir ; pour 24 %, ils perdent jusqu’à une demi-heure (7).
Il est encore plus difficile aujourd’hui de collaborer efficacement, puisque les travailleurs sont de plus en plus disséminés aux quatre coins du globe, et non plus regroupés dans un seul et même lieu, comme auparavant. La collaboration actuelle est un travail d’équipe qui se caractérise par une « présence mixte », c’est-à-dire des employés d’un site communiquant aussi bien ensemble qu’avec les membres des équipes à distance, via les nouvelles technologies. Les différents facteurs entrant en jeu sont le degré de sophistication des technologies prises en charge, la proximité physique et la durée du travail à distance.(8)
Les besoins en stations de travail individuelles sont moins importants lorsque les personnes collaborent à distance, cependant les besoins en espaces de collaboration, eux, augmentent. Grâce au « cloud computing* », tendance de fond de la décennie écoulée, et le lancement de nouvelles technologies, telles que Google Wave et la solution Dynamic Composable Computing d’Intel, les employés peuvent désormais partager leurs données plus facilement et collaborer, de manière inédite, même avec des équipes à distance.
Cependant, quel que soit l’endroit ou la façon dont les individus s’associent, parvenir à une vision commune n’est pas chose aisée. Il ne suffit pas de relier les individus entre eux pour obtenir une collaboration productive. Les distractions et les coupures sont aujourd’hui monnaie courante. Pensez par exemple à ce qui se produit pendant une réunion type : on exige et on tolère divers degrés d’attention sur le travail en cours. C’est surtout lorsque les participants ont une vision partielle des informations affichées ou qu’ils ne voient rien du tout (ce qui est fréquent dans les salles de conférence ou lors des réunions d’audio ou de vidéoconférence), que leur attention se détourne rapidement. Un autre obstacle fréquent à une collaboration réussie se manifeste lorsqu’on implique trop de personnes simultanément. On préfère, en général, les petits groupes.
Voici par exemple comment se forment des équipes : à l’instar d’une chaîne de lettres dont la portée s’accroît de manière exponentielle, la taille d’une équipe qui grandit entraîne par là même une démultiplication des difficultés dans la gestion des communications entre les individus. Entre deux personnes, une seule interaction est possible. Entre trois personnes, il en existe quatre. Entre quatre personnes, il en existe 11, et ainsi de suite.
Le nombre d’interactions possibles explose dans les groupes comportant plus de six personnes. C’est pour cette raison que la collaboration est plus efficace au sein de groupes de 4 à 8 personnes. Au vu de tous les obstacles qui peuvent compromettre une collaboration réussie, la conception de l’espace de travail est un facteur capital. Il est important de créer les interactions, les outils et les espaces qui permettent de passer de l’individuel au collectif, aussi simplement et souvent que nécessaire. Lorsque les supports sont en place, tels que des espaces partagés facilement accessibles et des technologies adéquates, il est très simple de mettre en œuvre une collaboration efficace (10).
Taille de l’équipe
Evan Wittenberg, directeur du programme Wharton Graduate Leadership, remarque que la taille d’une équipe, « bien qu’importante, n’est pas forcément un problème auquel les gens pensent immédiatement ». Selon lui, les recherches sur la taille idéale d’une équipe n’ont certes pas apporté de réponse définitive, mais le chiffre s’échelonne entre 5 et 12 personnes. L’équipe la plus efficace réunirait, selon certains, entre 5 et 9 personnes, et le chiffre 6 a été donné à plusieurs reprises.
Dans le milieu des développeurs, la méthode « scrum » permet d’organiser les équipes selon la règle 7 plus/moins 2.
Chez Amazon, Jeff Bezos limiterait la taille des équipes au nombre de personnes qui peuvent se nourrir de deux pizzas, soit entre 5 et 8 individus.
Selon les recherches sur l’apprentissage de groupe avec les étudiants, la taille idéale d’une équipe est définie entre 4 et 6 individus.
Chez Google, les équipes autogérées comprennent de 2 à 5 personnes.
Dans son ouvrage No More Teams (Finies les équipes), Michael Schrage cite l’importance historique de la collaboration à deux : Picasso/Braque, Watson/Crick, Wozniak/Jobs.
Dépasser le cadre existant
La plupart des espaces de travail actuels ne prennent pas en charge les processus de travail collaboratif. Peu de choix sont offerts en matière de lieu et de mode de travail. En effet, les zones de travail individuelles séparent les collaborateurs ; les salles de réunions doivent être réservées à l’avance et elles peuvent éclipser les participants, diminuer leur énergie et plomber l’ambiance générale. Les zones destinées aux appels téléphoniques confidentiels et aux vidéoconférences sont peu nombreuses et éloignées ; les collaborateurs doivent par conséquent s’accommoder des moyens dont ils disposent sur leur poste de travail et déranger fréquemment les autres.
Les espaces sociaux, lorsqu’ils existent, ne sont pas équipés de sources de courant, ni de Wi-Fi, c’est pourquoi ils sont sous-exploités. Il existe peu d’espaces où les collaborateurs peuvent présenter les tâches en cours, pour en discuter, ou montrer un exemple de travail fini. Les espaces de travail individuels sont mis en place pour des tâches nécessitant de la concentration uniquement, et peu d’aménagements sont disponibles pour travailler en groupe, en dehors des « tiers lieux », tels que les cafétérias ou espaces café. Ces derniers ne favorisent pas toujours la collaboration et peuvent compromettre la confidentialité de certaines informations de l’entreprise. L’équipe Marketing et communication de Steelcase connaissait précisément ces difficultés dans l’espace qu’elle occupait auparavant. Bien que leur travail était centré sur l’innovation et la créativité, les comportements de collaboration ne s’illustraient pas aisément au sein de leur espace de travail. Parallèlement, l’équipe devenait de plus en plus mobile, avec des membres qui travaillaient de plus en plus à distance. Les dirigeants souhaitaient aider l’équipe à bâtir une identité commune forte, leur permettre de répondre aux changements, de prendre des décisions et d’innover plus rapidement.
Le nouvel espace « pilote » a été conçu pour tester les hypothèses émergentes relatives à la collaboration, tout au long d’une journée de travail. Pour autant, les chercheurs n’ont pas limité cette expérience à leur « pré-carré ». L’espace avait été précisément conçu pour accueillir les quatre modes de travail existants : concentration, échanges, apprentissage et collaboration. Des zones de collaboration étaient intégrées à proximité des zones de travail individuelles, non attribuées, pour offrir aux employés sédentaires et mobiles la liberté de choix. Les espaces étaient de tailles variées, avec des technologies différentes, pour prendre en charge diverses activités. Il s’agissait là d’un espace conçu pour s’adapter à l’évolution du travail.
ANCIEN ESPACE VS NOUVEL ESPACE
L’espace était défini pour une activité nécessitant de la concentration, dans des espaces de travail attribués individuellement.
L’UTILISATEUR DONNE LE TON
Évidemment, les employés ont collaboré davantage dans le nouvel espace conçu à cet effet, bien que cette collaboration n’ait pas toujours eu lieu de manière prévisible. Pendant leurs observations sur l’utilisation du nouvel environnement et les échanges qui s’y déroulaient, les chercheurs ont fait plusieurs découvertes clés.
La collaboration est un processus itératif et souvent informel. Leur étude a confirmé qu’une collaboration efficace consiste en une progression d’échanges virtuels et en face à face, tout au long des déplacements des employés, pendant leur journée de travail. Elle est quasi constante et souvent informelle, a lieu au sein de l’espace de travail et au-delà, pas simplement de manière ponctuelle et dans un lieu prévu à cet effet, mais tout au long de la journée. Un accès égalitaire à l’information est capital. Idéalement, une vraie collaboration se produit dans un espace capable d’accueillir aisément 4 à 8 personnes (physiquement ou virtuellement) et d’offrir un accès égalitaire aux informations numériques et analogiques, avec un contact visuel direct.
Par exemple, dans l’espace « pilote » de Steelcase, la zone A (indiquée en jaune) était équipée d’une grande table ronde, de tableaux tout autour de la pièce et de projecteurs qui diffusaient simultanément les données sur les deux murs opposés. Cet espace de réunion était le préféré de tous. La zone B, quant à elle, placée juste à côté (indiquée en rouge), était beaucoup moins utilisée, car elle ne comportait pas les fonctionnalités qui permettaient un accès égalitaire à l’information. La technologie règne en maître absolu. Lorsqu’un espace est bien équipé pour la projection et la téléconférence, il est utilisé de manière quasi constante. À l’inverse, les espaces faiblement équipés en technologies, sont beaucoup moins utilisés. Dans un environnement de travail collaboratif idéal, il est très simple d’accéder aux données et au courant et il n’y a aucune « zone blanche », afin que les employés puissent partager les données numériques, à tout moment. La technologie doit être simple d’utilisation, facilement accessible et ne jamais détourner les individus de la tâche qu’ils ont à effectuer. Le contact visuel est également très important. Un espace de densité raisonnable fait toute la différence, à l’instar des bons restaurants qui ne sont ni trop vides, ni trop pleins. Dans l’espace « pilote » de Steelcase, si les employés pouvaient se voir les uns les autres, ils iraient discuter ensemble.
Les espaces de travail équipés de bench ont permis de renforcer la collaboration, car ils permettaient aux employés d’établir facilement un contact visuel ; ce qui a augmenté la probabilité que les employés s’arrêtent devant l’espace de leurs collègues, pour entamer une discussion rapide, avant de retourner à leur travail individuel. Étant donné que les employés n’avaient pas de postes de travail attribués, ils se plaçaient le plus souvent à proximité des collègues avec lesquels ils devaient travailler pendant la journée. La technologie et les collègues étant à portée de main, les employés pouvaient communiquer et coordonner des activités, à leurs postes de travail, sans se déplacer.
Il est indispensable de disposer d’un espace social au cœur de l’espace de travail, pour plusieurs raisons : il peut servir d’espace de discussion sur le travail, de manière informelle, et rassembler des groupes d’individus plus larges, à l’instar d’un « forum ». En outre, un espace social peut insuffler une dimension culturelle au reste de l’espace. Dans l’espace « pilote » de Steelcase, les rencontres brèves et stimulantes étaient très nombreuses, ce qui conduisait à des collaborations en face à face plus fréquentes que partout ailleurs.
Il est indispensable d’offrir un espace privé pour les tâches nécessitant de la concentration, si l’on veut favoriser la productivité de l’entreprise. La collaboration a été très fructueuse dans l’ensemble de l’espace « pilote » de Steelcase, mais pour certains, il a été difficile de réussir à se concentrer. Paradoxalement, avec l’intensification de la collaboration, les besoins en confidentialité (visuelle, sonore et psychologique) gagnent également en importance.
MESURE DE L’IMPACT 3D
Le projet de recherche a confirmé que l’espace faisait partie intégrante d’une collaboration réussie. Les évaluations avant et après utilisation, basées sur les résultats des enquêtes réalisées auprès des employés, ont montré des améliorations notables dans 11 domaines essentiels :
- adaptabilité ;
- identité ;
- apprentissage et développement ;
- production d’idées ;
- partage d’idées ;
- mise en pratique des idées ;
- responsabilité ;
- gestion des performances individuelles ;
- tendance à prendre des risques ;
- dynamiques d’équipe ;
- confiance.
En outre, selon les enquêtes de satisfaction au sein de l’espace de travail, après utilisation, 95 % des sondés affirmaient que leur nouvel environnement professionnel permettait une communication entre les employés. De même, 95 % indiquaient qu’ils avaient accès à des espaces pour des réunions spontanées et 68 % déclaraient qu’ils passaient désormais moins de 5 minutes à la recherche d’une salle de réunion. 82 % ont affirmé que cela augmentait leur productivité et leur permettait également des prises de décisions efficaces et pertinentes. L’enquête de satisfaction sur l’espace de travail de Steelcase est un outil de recherche global, utilisé par les designers chez plus de 133 clients et près de 23 000 sondés, pour comprendre une diversité de problèmes liés à l’environnement de travail et affectant la satisfaction des employés.
Éléments tout aussi importants, les notes des carnets de recherche et les entretiens ont révélé que les employés étaient réellement dynamisés grâce à ce nouvel espace. Ils ont affirmé qu’il leur était plus simple de générer de nouvelles idées, d’accumuler un savoir et de comprendre une multitude de points de vue.
PLANIFICATION D’ESPACES COLLABORATIFS
En se basant sur les projets de création d’espaces collaboratifs des entreprises et des designers, les chercheurs de Steelcase ont pu identifier plusieurs points à prendre en compte. Chacun concerne différentes considérations spatiales et nécessite des meilleures pratiques inédites afin d’encourager les employés à travailler ensemble.
Collaboration progressive
Partage de connaissances tacites en temps réel
- Permettre à chacun de se tenir informé, pendant ses déplacements ; tirer parti des « entre-deux » tout au long de la journée, via des rencontres judicieuses, dans des agencements efficaces, au sein d’environnements informels.
- Permettre une expérience collaborative double : formelle/informelle, planifiée/ spontanée, en face à face/virtuelle.
- Encourager les échanges dynamiques/itératifs en fournissant des outils visuels pour le partage et la production d’idées.
Densité
Favoriser le dynamisme collectif
- Exploiter l’énergie naturelle produite par la densité des occupants.
- Penser aux différentes utilisations possibles de l’espace.
- Fournir aux employés des outils de connexion visuelle/acoustique, afin qu’ils puissent formerd’autres collègues et être formés également, apprendre en écoutant les autres et partager ce savoir de manière informelle, tout au long de la journée.
- Faire cohabiter plusieurs ressources.
- Permettre la superposition des informations numériques et analogiques.
- Exploiter les surfaces verticales en tant qu’outils de communication/collaboration au sein/en dehors des espaces dévolus aux équipes de projets, pour encourager le partage des connaissances avec des collègues n’appartenant pas à l’équipe.
- Permettre une information en temps réel sur l’évolution des projets.
- Assurer la transition depuis un travail analogique vers un support numérique.
- Fournir aux employés divers moyens de partager des informations, depuis des périphériques de poche à des formats plus grands, pour encourager l’implication du groupe entier.
Création de zones
Fournir la gamme adéquate d’aménagements et de solutions acoustiques
- Ayez à l’esprit que des environnements de collaboration plus ouverts doivent également comporter une quantité raisonnable d’espaces clos, pour les tâches nécessitant de la concentration, les appels téléphoniques et la téléprésence.
- Pensez à diviser l’environnement global en plusieurs espaces : des zones calmes, sociales et collaboratives.
- Offrez aux employés la possibilité de choisir leur lieu de travail, en leur fournissant différents cadres, capables de prendre en charge plusieurs modes de travail : concentration, échanges, apprentissage et collaboration. Pensez à créer une gamme d’aménagements individuels et collectifs, dans des espaces ouverts et fermés.
Proximité
- Les bureaux attribués : aux oubliettes
- Encouragez les employés à changer régulièrement de poste de travail, pour mettre en place des réseaux solides, regroupant des personnes, des projets et des idées.
- Mettez à la disposition des personnes des surfaces de travail verticales, à proximité des zones de collaboration, pour encourager les échanges de contenus et produire des idées en commun. Mettez en place des murs d’informations partagés, à proximité des employés sédentaires, comme points de référence pour le travail en cours.
- Ayez à l’esprit que tout espace distant de plus de 15 m de l’espace de travail ne sera pas utilisé. Concevez des salles de réunion, des enclaves, des zones de projets et autres espaces à proximité immédiate des équipes.
Outils
Indispensables pour la collaboration • Planifiez chaque espace comme un espace collaboratif pour optimiser toute occasion de collaboration. Mettez à la disposition des équipes, des données, des prises électriques et des éléments verticaux partagés (écrans, tableaux, tableaux punaisables) pour permettre un échange de savoirs tacites. • N’oubliez pas que les outils de brainstorming, qui permettent à chacun de participer de manière égalitaire, sont idéals pour la production créative.
Échanges
Exploiter les réseaux informels
- Pensez à supprimer les barrières entre les équipes en leur fournissant un espace partagé informel, pour leur permettre d’accéder à l’information et communiquer leur travail.
- N’oubliez pas le pouvoir fédérateur d’un déjeuner pris ensemble.
- Pensez à offrir aux équipes un soutien en matière d’espaces partagés, d’outils collaboratifs et de comportements au travail. Nommez un « responsable » qui permettrait de simplifier l’adaptation des personnes au nouvel espace et aux changements culturels.
- Mettez à la disposition de vos équipes, des espaces ouverts, où elles peuvent travailler tout en étant accessibles aux autres.
EN RÉSUMÉ
Avec l’évolution du partage des connaissances, la collaboration devient un enjeu essentiel pour la croissance de l’entreprise. Les employés espèrent s’enrichir mutuellement de leurs idées, pour créer de nouvelles formes de savoirs et innover ; c’est pourquoi l’espace de travail peut soit les soutenir de manière significative, soit faire obstacle à leurs intentions. Alors même que le travail dépend considérablement des nouvelles technologies et que les employés sont de plus en plus immergés dans l’univers numérique, l’espace de travail prend une importance croissante et devient une plateforme centrale, capable de relier les personnes entre elles ; les échanges ainsi créés sont à la fois nécessaires et souhaités par les salariés. Cette transition, des bureaux privés fermés aux espaces partagés et polyvalents, peut, à elle seule, représenter le plus grand changement de ce siècle encore naissant, en matière de conception des espaces de travail.
Qui dit travail différent, dit espace différent. Les entreprises réduisent aujourd’hui les espaces de travail individuels ; c’est là l’occasion de remplacer une partie de ces espaces par des solutions favorisant la collaboration, l’apprentissage, les prises de décisions rapides et l’innovation. Lorsqu’elles sont mises en place selon les règles de l’art, ces solutions peuvent mettre en lumière l’obsolescence des salles de réunion traditionnelles.
REMERCIEMENTS
Steelcase mène des recherches continues sur le travail, les salariés et l’environnement professionnel et c’est précisément de ces recherches que nous tirons notre vision d’un espace de travail favorisant la collaboration. Nous tenons à remercier nos collègues chargés des ressources immobilières et du design pour avoir partagé avec nous leurs réactions, leurs connaissances et leurs idées sur les questions traitées dans cet article. Cet article n’aurait pas pu voir le jour sans les personnes suivantes, qui nous ont apporté un éclairage avisé sur ces questions. Nous exprimons toute notre gratitude à : Mark Adams, Smith Group, David Goodman, Clorox, David Kelley, IDEO, Stephen Swicegood, Gensler.
NOTES DE BAS DE PAGE
1 The Knowledge-Creating Company, Ikujiro Nonaka et Hirotaka Takeuchi, Oxford University Press, 1995
2 “Workplace Strategy,” une étude de Gartner Dataquest, Jones Lang LaSalle IP, Inc. 2007
3 “Inside Innovation,” Business Week, 28 avril, 2008
4 Shared Minds: The New Technologies of Collaboration, Michael Schrage, Reed Business Information, Inc., 1990
5 “How the Workplace Can Attract, Engage & Retain Knowledge Workers,” livre blanc Threesixty Deep Dive de Steelcase, août 2009
6 The Difference: How the Power of Diversity Creates Better Groups, Firms, Schools, and Societies, Scott Page, Princeton University Press, 2007
7 Données issues de l’enquête de satisfaction sur l’espace de travail réalisée par Steelcase
8 “Virtualness and knowledge in teams: managing the love triangle of organizations, individuals, and information technology,” Terri L. Griffith, John E. Sawyer, Margaret A. Neale, MIS Quarterly, 1er juin 2003 * Accès via le réseau à des ressources informatiques partagées.
9 “How to set up small groups for decision-making,” Intuitor. com, http:www.intuitor.com/statistics/SmallGroups.html
10 “Collaborative Work: Behavioral Prototyping/Research Insights,” Steelcase Workspace Futures Environments, 2009